CONTRIBUTIONS DES DOCTORANTS

sa nouveauté » ou son caractère référentiel[1], de l’autre par une confusion où « le sujet accède à la jouissance par la cohabitation des langages, qui travaillent côte à côte », ce qui, pour Roland Barthes, place le texte dans un plaisir polyglotte qu’il nomme la « Babel heureuse ».[2] Reste à ajouter qu’à ces plaisirs provenant d’une écriture virtuelle et d’un fétichisme à l’égard du signe, on trouve un « plaisir du suspense » qui repose sur la pulsion scopique ou la scopophilie du lecteur pris dans la potentielle volonté d’observer ou de s’emparer d’un texte originel qui n’est (ne peut être) totalement reproduit.

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En deçà d’une analyse sur la composition et la réception du Dernier royaume, nombreux sont les plaisirs d’un lecteur ou d’une lecture illustrés dans des descriptions alliant le discursif et le figuratif. Il s’agit d’images disséminées tout au long des textes et quelques fois présentes dès l’ouverture d’un tome comme dans l’exemple suivant extrait d’Abîmes :

Il ne semblait pas que son silence dût au malheur. En lui le silence, l’ombre, l’ennui, le vide étaient liés aux plaisirs qui s’y recherchent. Le plus souvent la nudité se trouve confondue à ce silence. Elle ne se distingue plus de cette attente pure dans la pénombre. Et le bonheur. Et la lecture y ajoute encore une autre voix, une voix encore plus singulière, une voix plus étrange encore qu’un chant, une voix maintenant l’âme dans l’absence complète de résonance. Le lecteur est comme un animal qui se tient sur le bord d’un lac plus ancien que celui de la voix humaine.

Dans les banquets c’était un compagnon qui regorgeait de bienveillance et d’affabilité. Dans les jouissances qui les suivaient il était plus réservé, il s’asseyait à l’écart, il ne dénudait qu’à peine le bas de son ventre, s’émouvait, donnant toute son attention aux indécences auxquelles il ne prenait pas vraiment part.[3]

Cet incipit évolue selon la progression d’un lecteur qui est peu à peu happé par un texte jusqu’à ce que son imaginaire éveillé par des signes, le place parmi leurs sens. Une telle description imagée du lectant – vers le texte et l’antre où, seul et peuplé, il se manifeste – est structurée selon la présence d’émotions satisfaisantes : « les plaisirs », « le bonheur », « les jouissances ». Ce réseau sémantique témoigne d’une satisfaction que Roland Barthes situe dans le dévoilement progressif du texte perçu comme un ensemble de signes ou, selon son expression, de « monades magiques » [4] qui entraînent le lecteur vers des émotions ou sensations plaisantes que transmettent les mouvements d’un récit vécu ou construit de manière inédite et singulière[5].

Cette progression est illustrée par une insistance qui porte sur une « voix » définie par la lecture et le bonheur qu’elle suscite. L’apparition d’une voix étrangère à celle quotidienne


[1] Roland Barthes, Le plaisir du texte, Paris, Editions du Seuil, 1973, p. 68.

[2] Roland Barthes, Plaisir du texte, Paris, Editions Seuil, 1973, p. 10.

[3] Pascal Quignard, Abîmes, Paris, Editions Grasset, 2002, p. 9.

[4] Ibid., p. 54

[5] Ibid., p. 20.

 

Roland Barthes