CONTRIBUTIONS DES DOCTORANTS

 

à la deuxième topique freudienne dans Le plaisir du texte[1]. Ce paradigme philosophique ou psychanalytique réfère à ce que Roland Barthes nomme la « forme humaine » du texte : un ensemble de signes en sémantisation et figuration transmettant au corps des plaisirs répondant à des besoins physiologiques primaires[2]. Ce caractère instinctuel est exemplifié dans ce qu’il appelle la « lecture désirante » : prenant pour référence la séquence où le narrateur d’A la recherche du temps perdu est en train de lire au cabinet, il situe le plaisir de la lecture dans les émois d’un corps soumis à « la fascination, la vacance, la douleur, la volupté » ainsi que dans une analité qui illustre une rupture avec un ordre moral[3].

Le deuxième paragraphe de l’extrait renvoie à une immoralité orchestrée par un plaisir provenant d’une « indécence », interprétable selon un sens littéral ou lacanien, l’ « indé-sens »[4]. L’effacement de barrières morales ou la pluralité sémantique laissent apparaître un lecteur guidé par un hédonisme que manifeste la référence étymologique et littérale au « banquet » : posé sur le banc d’une scène ou son écart, il dénude « le bas de son ventre » et s’émut regardant festoyer divers personnages qu’il se figure et dont les indécences retiennent l’attention. Son ontologie apparaît dès lors comme duale : d’une part elle est fondée sur une recherche de plaisirs non seulement émotionnels mais aussi physiologiques, de l’autre cette recherche est établie sur le mode d’une perversion où le texte objectifié tend vers la (re)mise en cause d’une langue et d’un corps, d’un sujet que des signes d’indécences transfigurent[5].

Que ce soit par un effet de déconstruction linguistique, de dénudement du corps ou d’effacement de conventions morales, le lecteur illustré dans cet extrait semble plonger de manière générale dans un plaisir qui réfère à une métatransgression ou « transgression de la transgression » fondée sur un retrait d’avec une réalité. Chez Roland Barthes, celle-ci est illustrée dans nos deux premières citations ou, de manière plus générale, par les cigares de Karl Marx qui, dans Le plaisir du texte, servent de critique à l’égard d’une « gauche » ou « extrême gauche » austère[6]. Cette distanciation rejoint nombre de discours disséminés dans le Dernier royaume où l’une des qualités de la lecture se situe dans la « mise à l’écart » d’une


[1] Pour le travail étymologique, voir : Pascal Quignard, Le sexe et l’effroi, Paris, Editions Gallimard,1996, pp. 74-107. Pour le travail discursif, voir par exemple : Pascal Quignard, Vie Secrète, Paris, Editions Gallimard, 1998, p. 183. Pour Roland Barthes, voir par exemple : Le plaisir du texte, Paris, Editions du Seuil, 1973, p. 56.

[2] Roland Barthes, Le plaisir du texte, Paris, Editions Seuil, 1973, p. 30.

[3] Roland Barthes, « Sur la lecture », 1976, in : Œuvres complètes : Tome IV 1972 – 1976, édit. Eric Marty, Paris, Editions du Seuil, 2002, p. 932.

[4] Jacques Lacan, Encore, Paris, Editions du Seuil, 1973, p. 101.

[5] Roland Barthes, « L’adjectif est le « dire » du désir », (entretien), 1973, in : Œuvres complètes : Tome IV 1972 – 1976, édit. Eric Marty, Paris, Editions du Seuil, 2002, p. 466.

[6] Roland Barthes, Le plaisir du texte, Paris, Editions Seuil, 1973, pp. 38-39.

 

Roland Barthes