CONTRIBUTIONS DES DOCTORANTS

 

illustre ce que Roland Barthes nomme la « redistribution de la langue », c’est-à-dire une lecture où la langue du lecteur, émue par la singularité sémantique, visuelle d’un texte, d’une image ou la recherche herméneutique qu’ils suggèrent, est altérée dans son usage habituel ce qui entraîne la (re)création d’une langue, inédite et soumise à l’influence du texte ou de l’image. Ceci a pour effet une remise en cause de l’usage normatif d’une langue ; et, de par la pluralité de possibilités que manifeste celle(s) d’un texte, laisse entrevoir le langage. Dans l’extrait cette redistribution est effectuée dans un double mouvement : premièrement le lecteur est confronté à un usage courant que le texte n’a pour autre choix que de reproduire, deuxièmement sa singularité sémantique ou visuelle mène le lecteur vers une nouvelle langue ce qui a pour conséquence d’entraîner une « mort » [1], phénomène qu’illustre de manière imagée et poétique la fin du premier paragraphe où d’espèce raisonnée le lecteur passe à celle d’un animal au bord d’un lac. Autrement dit, lors de la lecture libre d’un objet esthétique, le lecteur se défait d’habitudes linguistiques jusqu’à revenir à un langage qui impulse la création de langues. Dans ce cas le processus s’établit par une métempsychose ou le transvasement de l’esprit dans un autre corps que le texte détient et que l’imagination du lecteur sculpte[2]. Ceci renvoie à la thèse d’Emile Benveniste partagée par Roland Barthes et présente dans le Dernier royaume où le langage est placé dans une perspective aoriste : il précède le lecteur et l’auteur, tous deux perçus dans le mouvement d’une désadhérence ou comme des étants susceptibles de l’exprimer par des langues et d’y adjoindre des schèmes narratifs préexistants qui leur survivent[3].

Si une satisfaction provient de conditions requises par la lecture tel que le « silence », par la redistribution de la langue et l’effet d’une métempsychose, elle est aussi ressentie par un lecteur qui, au fil de l’extrait, voit un corps lui appartenant se dénuder et s’émouvoir. Le texte déborde de son support qui est la page, pour s’engendrer en monde où prend place un lecteur-lisant-personnage parcouru par diverses sensations érotiques. Cette dénudation fait régresser le corps vers un état psychique archaïque – une animalité interprétée en tant que condition originelle et soumise à l’érotisme ou à la domination d’Eros : une figure gouvernée par ses instincts sexuels que l’on trouve chez Pascal Quignard dans son travail discursif et étymologique autour du terme « fascinus » et, chez Roland Barthes, par le biais de références


[1] Ibid., p. 14-15.

[2] Alexandre Gefen, op. cit., p. 167.

[3] Pour Roland Barthes, voir : « Introduction à l’analyse structurale des récits », in : Communications, 8, 1966. Recherches sémiologiques : analyse structurale du récit, p. 20. Pour le Dernier royaume, voir par exemple : Pascal Quignard, Les paradisiaques, Paris, Editions Grasset, 2005, pp. 68-69.

 

Roland Barthes