CONTRIBUTIONS DES DOCTORANTS

 

gouvernements reprochaient aux historiens de ne pas avoir respecté la loi de la chronologie pendant la rédaction de leurs ouvrages.

Néanmoins, la période entre 1821, l’année où apparut La tâche de l’historien (Über die Aufgabe des Geschichtsschreibers) de Wilhelm von Humboldt, et 1868, où Gustav Droysen rédigea son Histoire (Historik), il y avait tout un éventail d’ouvrages qui virent la lumière du jour. C’était l’époque où les quatre maîtres de l’écriture historique s’adonnaient à leurs passions. Le premier parmi eux à être mentionné serait surtout Jules Michelet, génie de l’Ecole romantique de l’écriture historique ; ensuite, Leopold von Ranke, fondateur de l’Ecole historique, historien par excellence et exemple révélateur de l’historiographie académique ; Alexis de Tocqueville, fondateur de l’histoire sociale et prédécesseur des sociologues modernes, tels Emile Durkheim et Max Weber ; et Jacob Burckhardt enfin, historien des arts archétypiques, représentant de l’historiographie esthétique et du style impressionniste dans la représentation historique.

Avant de nous attaquer au noyau de cet exposé, je me permettrais de dire un mot à propos le rôle de l’histoire, décrit et promu par Hegel. La question principale liée à ce sujet, que j’aimerais bien aborder, est la différence entre l’historiographie et la philosophie de l’histoire. Dans ses Leçons sur la philosophie de l’histoire (Vorlesungen über die Philosophie der Geschichte), Hegel essaye de justifier un type de la réflexion historique qu’il considère unique dans son genre concernant l’époque moderne. La philosophie de l’histoire serait donc à définir en tant qu’explication des principes représentant la base de l’historiographie « réfléchissante » et de ses applications systématiques dans le domaine d’une théorie universelle. Les historiens ne sont pas appelés à rédiger l’histoire universelle ; cette tâche, ils doivent la laisser aux philosophes, qui, par conséquent, apporteraient à la compréhension du contenu théorétique de l’histoire « réfléchissante », dont les principes épistémologiques, esthétiques et éthiques seraient élevés au niveau de conscience afin de pouvoir être appliqués sur le problème de l’histoire de l’humanité.

Il est quand même à remarquer que cette différenciation entre les deux principes historiques et proto-scientifiques n’était pas comprise dans tout son ensemble par les historiens du XIXe siècle ou, si ce fut le cas qu’elle était comprise, on la rejetait. Pour la plupart d’entre eux, l’histoire philosophique ne représentait qu’un essai de construction d’un certain schéma, créé au préalable par une pensée dite apriorique. La « méthode historique », décrite ainsi par les rédacteurs de l’histoire au XIXe siècle, consistait dans le fait d’entrer, dépourvu de tout préjudice, dans les archives, d’étudier les sources y abritées et d’en extraire les événements historiques certifiés par les documents consultés afin de les résumer de la façon que la narration elle-même devînt une explication des événements passés. Donc, l’idée fondamentale serait, pour ainsi dire, de dériver l’explication des sources pour enfin faire apparaître sa signification sous forme de narration.

De l’autre côté, la tâche de l’historien consisterait plutôt à aborder la matière à référer sans aucune allusion idéologique, en prenant un certain recul de toute reformulation des faits qu’il étudie. Par conséquent, lorsque le passé coïncide avec la vérité qui l’enveloppe, l’explication est automatiquement libérée de la narration, telle la forme du paysage sur une carte géographique minutieusement rédigée. La vraie explication est donc à trouver dans la façon dont l’événement, lui, est représenté ; ce ne sont pas seulement les détails qui y jouent un rôle essentiel, mais également le transfert du message qui est à réaliser au niveau le plus convaincant possible. Cependant, il est à remarquer que la minutie dans la représentation des détails est souvent confondue avec la vérité des faits. En effet, les historiens ne se rendent pas compte que la signification de l’histoire soit à comprendre en tant que produit du modelage narratif, issu sous

 

Roland Barthes