CONTRIBUTIONS DES DOCTORANTS

 

La décadence de la narration historique

La thèse de Barthes renvoie clairement à la conception de l’Histoire rédigée par Hayden White qui nie toute existence de l’Histoire en tant qu’elle-même : il propose le concept d’une discipline qui irait au-delà de l’Histoire se rapprochant de la métafiction ou bien de la métanarration – il s’agit de la métahistoire, une des philosophies de l’histoire traitant des principes qui mènent au développement historique ; ce rapport, elle le constitue à travers les narrations étant à l’origine de ce procédé. La thèse de White demeure ainsi dans le même champ abstrait que la pensée de Barthes – une histoire objective n’est qu’un tissu de différentes impossibilités, une illusion. Les divagations de l’Histoire sont surtout à se présenter dans une approche dialectique : le discours historique et la narration sur les événements ne représentent aucune différence entre eux-mêmes et leurs traits communs peuvent être discernés au sein de tout texte littéraire.

La métahistoire pose donc tout un éventail de questions sur le pouvoir de représenter, sur l’influence idéologique sur la narration et – ce qui constitue le noyau de la théorie de Barthes – sur l’acte d’écrire. Louis Althusser s’aperçut lui aussi à quel point la vie culturelle et historique s’entrelacent dans le concept idéologique qui, en outre, ne serait pas seulement à l’origine des moyens et des façons de contextualisation, mais règlerait également la dissipation ainsi que l’authentification du sens dans le cadre social. L’idée de jouissance, conçue chez Barthes comme un but surtout critique, aurait pour prémisse le recul du sens étant devenu secondaire à cause de la vacuité des signes, de leur impossibilité de se représenter en dehors d’un système conventionnel – et alors arbitraire – de représentation qui les produisit en ne s’éloignant point de sa propre logique culturelle. Ainsi, est-ce la jouissance elle-même qui fait vaciller l’Histoire textuelle et ses propositions.

La tâche de l’histoire semble donc trop lourde et l’histoire elle-même demeure alors trop souple pour pouvoir pénétrer dans le noyau de la matière qu’elle est censée aborder et analyser. La raison en est tout à fait évidente – l’histoire que nous connaissons, qui nous a été et qui nous est continument présentée en tant qu’histoire n’est alors rien d’autre que l’histoire de l’Histoire. L’étymologie du mot en tant que tel nous est bien claire, et la preuve que l’histoire ne peut point se débarrasser des traits de caractère lui attribués dès sa naissance, serait également le mouvement New historicism aux Etats-Unis, appelé aussi Cultural Poetics. Le postulat lacanien sur la fiction du langage est un autre élément incontestable qui me vient à l’esprit lorsque je tâche à soutenir la thèse, pour vaine et vague qu’elle me semble en ce moment, que l’histoire n’est pas une pure illusion ; qu’est-ce qu’on aperçoit dans l’histoire ? Ce sont des particularités qui émergent : « d’abord tel peuple, puis tel autre, telle époque, tel système, toujours des particularités », dit Cousin dans son ouvrage Cours de l’histoire de la philosophie. L’existence de tout élément est réglée par l’omniprésence des particularités gênantes : « Toute particularité naît, et par conséquent finit. Donc, toute particularité est vaine ; donc vous n’apercevez dans l’histoire que des illusions, en même temps que sous un autre point de vue vous n’y apercevez que des vérités. » L’histoire serait donc à définir comme une machinerie de successions de vérités et d’erreurs. Le langage, lui, ne remédie donc pas du tout à cet inconvénient ; en plus, il l’accentue soumettant tout discours à l’idée qu’il n’est gagné que par l’imaginaire et l’e fictionnel : « C’est bien le malheur (mais aussi peut-être la volupté) du langage de ne pouvoir s’authentifier lui-même. Le noème du langage est peut-être cette impuissance, ou, pour parler positivement : le langage est par nature, fictionnel », remarqua Barthes dans La Chambre Claire : les frontières entre

 

Roland Barthes