CONTRIBUTIONS DES DOCTORANTS

 

« s’anéantissent », ceux de Michelet « se dégradent », finissent par être absorbés par les remous du procédé littéraire balzacien des héros s’étant détériorés. Les terminaisons que Michelet annonce à l’instar des terminaisons des symphonies de Beethoven apparaissent alors comme des moments historiques privilégiés, invoqués par les éléments du récit micheletiste où « il y a tout un pathétique de l’acheminement : la fatigue, l’espoir, le procédé de l’annonciation d’un événement crucial. » En plus, l’ordre des événements n’est ni logique ni chronologique, mais il est déterminé par des « circonstances géographiques. »

Le récit micheletiste repose donc sur deux procédés différents : tout d’abord, l’historien doit écrire son histoire d’une telle façon qu’il ressuscite la concrétisation de la totalité à laquelle tout aspire, tandis que de l’autre côté, l’apparition historique doit être mesurée par rapport à sa contribution à la concrétisation du but ou, autrement dit, jusqu’au point où la concrétisation, elle, s’oppose à cette même contribution. Michelet décide par conséquent de choisir la structure romanesque.

En tant que narrateur, Michelet a recours à des tactiques dualistes, et tout comme au sein de tout système dualiste il n’y existe même pas dans le sien la possibilité d’interpréter le procès historique du côté dialectique ou bien sous une forme se développant incessamment vers un but voulu. Il est donc facile d’y discerner le changement dramatique des pouvoirs du Mal et du Bien ou de la Vertu, de la Tyrannie et de la Justice, de l’Amour et de la Haine, tous enchaînés par de brefs moments de liaison. Le modèle que je viens de proposer est identifiable dans son Histoire de la Révolution française, l’un de ses ouvrages les plus connus, où la manière de représentation métaphorique ainsi que le mythe d’idylle s’épanouissent sans bornes. Le portrait de l’esprit de la Révolution, qu’il nous propose, et qui envahit la France dans les premières années du soulèvement contre la monarchie corrompue, serait facilement à interpréter comme miroitement des identifications métaphoriques commençant sous forme de la caractérisation de l’esprit en tant que « surgissement de la lumière » et de sa délivrance des griffes de l’obscurité, passant par la description de l’impulsion « naturelle » du peuple français à une certaine fraternité qui, lui, sort victorieux du conflit contre les forces « artificielles » qui lui s’opposaient, pour enfin connaître sa terminaison purement symbolique. Le procédé mentionné n’est qu’à observer comme résultat de l’écriture micheletiste auquel nous pourrions attribuer le nom de « nouveau éveil. » Or, cette conception du « nouveau éveil » comprend non seulement une structure narrative de l’action proposée, modelée par l’historiographie de Michelet, mais également des stratégies de narration qui y sont appliquées. Je me permettrais également d’y ajouter l’image du marquage de la Révolution en tant que telle, que Michelet lie au concept de naissance ; le procédé quand même, dont il a recours, et dont, en outre, Barthes discerna les caractéristiques principales, est plus une césarienne qu’un simple accouchement.

La question qui, étonnamment, ne se pose qu’en cas de difficultés identitaires au sein d’un certain système conceptuel, est donc la survie de l’Histoire textuelle, ce qu’elle est en première ligne. Dans son Discours de l’histoire, Roland Barthes n’est pas susceptible de se priver de l’idée sur l’Histoire sous forme de texte, devenant dépourvu de signification à travers l’intervention des signes du langage ce qui est à noter dans toutes les histoires ou les présentations d’une certaine culture. Dû à ce fait, l’écriture sur les pratiques et les événements culturels ne peut plus être aperçue comme une prise de notes de manière objective. Produit de l’écriture, la signification de l’Histoire se dissipe : elle ne devient qu’un texte ressemblant à une surface bien polie, un assemblage de signes – l’Histoire ne documente plus le Réel, mais elle produit l’incompréhensible.

 

Roland Barthes