CONTRIBUTIONS DES DOCTORANTS

 

forme de type d’un certain procédé de narration et qui est également choisi par le rédacteur lui- même. Cette dernière pensée renvoie indubitablement à la thèse d’Immanuel Kant qui suggère que toute question sur l’histoire ainsi que toutes les pensées que ce problème implique, se trouvent prises dans une antinomie inévitable, qui oppose d’un côté la thèse que l’histoire suit un cours régulier explicable rationnellement ; de l’autre côté, il suggère l’antithèse qui veut que celle-ci soit le règne du hasard et de la liberté sans lois, voire un chaos inintelligible. Quoiqu’il admette que l’histoire, en dépit de son désordre apparent, ait « un plan caché de la nature » dont le but est de développer l’ensemble des dispositions morales de l’humanité, il est difficile de ne pas observer le développement d’un procédé historique qui s’éloigne de toute science tout en pénétrant dans le domaine de la littérature du romantisme. Il s’agit donc d’une thèse qui nous ouvrirait la voit vers la conclusion que l’importance de toute explication est sans doute liée à sa structure narrative.

 

Le contrepoint narratif

En nous approchant du noyau du sujet, dont le sujet principal est Jules Michelet, l’un des rois de l’historiographie moderne, il faut souligner le fait que ce qui lui attribue le titre royal au sein du domaine historiographique, soit sans doute la contribution de celui-ci à la recherche et à la présentation des événements historiques, qui, dans ses ouvrages, apparaissent teints d’une nuance romantique au sens littéraire et philosophique du terme. Michelet, lui, en tant qu’historiographe, est également sujet d’un essai de Roland Barthes, intitulé Michelet, l’Histoire et la Mort, où Barthes, lui, élabore le procédé de Michelet dont il eut recours lors de la rédaction de ses ouvrages. Chez Michelet, « l’Histoire meurt », accentue Barthes, et ce qu’il entend sous le terme « Histoire », est tout ce qui connaît une apogée pour enfin se précipiter et s’écrouler. L’Histoire est soumise à une dégradation continue, elle se dissipe sous une vaste surface de procédés narratifs ; par conséquent, un nouvel enchaînement des éléments à l’instar d’un tissu bien stabilisé et consolidé est réduit au pure hasard de l’imagination des lecteurs : « ils souffrent, demeurent passionnés, peinent, espèrent », suivent l’auteur à travers de vastes plaines invisibles de l’univers historiographique, rendu inerte par la narration. Bien que Michelet niât résolument de faire partie de l’éventail des auteurs romantiques, das son œuvre il est remarquable la réduction, voire la dégradation de l’historiographie à la narration poétique des faits, un procédé qui lui fut propre dû au fait qu’il croyait avoir découvert et fondé une impression poétique par rapport à la compréhension « réaliste » du monde. S’il est à croire au contenu des lettres de Michelet, le mouvement romantique n’eut aucune influence sur sa création parce qu’il était, comme il le dit, « occupé dans les archives afin que ses pensées ainsi que ses connaissances pussent se fondre et se mélanger à la méthode historique » qu’il surnomma la « méthode de concentration et de réflexion », un procédé représenté en tant que « flamme, assez forte, qui ferait dissiper toutes les inégalités afin de rendre à l’histoire l’unité perdue qu’elle connaissait lors de sa vie. » Quoi qu’il en soit, cette méthode ne consiste en rien d’autre qu’en déploiement des implications d’une représentation métaphorique, qui, en outre, rend possible aux historiens de s’identifier avec le passé, lui donner un second souffle pour enfin pouvoir le revivre dans sa totalité.

Cette présentation de l’identification est justement le facteur qui lui permet de réclamer le statut de vérité scientifique pour ses descriptions, une exigence qui l’approche de Giambattista Vico, ayant exigé le prédicat de scientificité pour sa conception « poétique » de l’histoire. Selon Barthes, la perception de l’histoire de Vico, quoique très similaire à celle de Michelet, connaît une distinction nette par rapport au concept proposé par Michelet : chez Vico, « l’Histoire suit », écrivit Barthes, « des tours et des retours. » L’humanité passe par trois phases identiques (théocratie, hérocratie et démocratie) articulées comme des pièces d’une mécanique universelle : l’Histoire n’a plus qu’à rouler sur elle-même. Chez Michelet, « il faut sans cesse qu’elle meure. » La mort dont Barthes nous parle est évoquée par la perception de ce que l’histoire doit ou devrait être ou de ce qu’elle est invitée à représenter. Or, tout ce qu’il y a d’unique en son genre concernant l’histoire, Michelet est toujours en train de l’observer en tant que caractère unique de la totalité et non pas des constituants formant cette même totalité ; l’individualité des constituants ne serait donc que pure apparence : leur signification est assurée par leur statut de symboles de l’unité, à laquelle tout aspire – dans l’Histoire tout comme dans la Nature, et c’est justement cette aspiration qui sert de meilleure preuve que la totalité ne constitue pas un but mais un état qui attend d’être décrit. Par conséquent, Barthes y dégage tout un ensemble d’éléments homogènes qui incorporent l’idée d’une dégradation continue ; alors que les Etats de Vico

 

Roland Barthes