Marin Čiković
“L’Histoire – pour quoi faire ?” Pdf ( 439 KB )
“L’Histoire – pour quoi faire ?”
Introduction
La société postmoderne se caractérise comme un tissu hétérogène, inclinée à mettre en question tout ce qui l’entoure. Ainsi, les concepts historiques, philosophiques et éthiques sont-ils incessamment confrontés à de différents rapports au Réel qui, lui, les constitua à travers l’histoire en tant que phénomènes universels. Ceux qui s’adonnaient à l’écriture de l’histoire, étaient principalement préoccupés du fait de l’écrire et non pas de la rechercher et évitaient ainsi l’interrogation théorétique. La recherche de l’histoire fut élevée au niveau professionnel dans les années où Hegel réfléchissait non seulement sur sa classification théorétique en tant que forme de connaissance indépendante d’autres disciplines proto-scientifiques, mais encore sur la définition de sa relation avec l’art, la science, la philosophie et la religion. C’était alors justement cette transformation-là de l’histoire d’un domaine d’études plutôt généralisé, pratiqué par des amateurs et des bouquinistes, en discipline professionnelle qui marqua le décollage final de l’historiographie par rapport aux spéculations infinies des « philosophes-historiens ». Des chaires d’histoire furent installées au sein des universités, les étudiants pouvaient passer des examens, les corps professoraux constituaient une certaine version de clergé historiographique s’occupant de la valorisation ainsi que du développement d’une historiographie socialement responsable. Or, la recherche historique eut beau atteindre un certain niveau professionnel, l’outil théorétique de sa pratique demeura flou et imprécis. La transformation de la pensée historique d’une activité nuancée d’amateurisme en celle professionnelle et surtout professionnalisée resta aux abords de la révolution des sciences ayant enveloppé la physique, la chimie et la biologie. L’introduction des novices dans la pratique historique consistait tout d’abord dans le fait d’avoir recours à des techniques philologiques les plus raffinées souvent accompagnées d’avertissements obligatoires, ce dont l’œuvre d’un bon historien ne devait jamais demeurer dépourvue.
Le procédé en question veilla finalement à ce que de maints clichés prissent pied, parmi lesquels celui sur la fission de l’historiographie et non seulement de la métaphysique mais également de la religion apportèrent à la diffusion de l’idée sur l’incompatibilité de la connaissance historique et du procédé de recherche historique en tant que tel. L’écriture historique serait plutôt à comprendre comme un tissu de science et d’art. L’historien ayant décidé de s’occuper de la narration historique dut se tenir à une recherche menée d’une manière scientifique pour pouvoir enfin présenter les résultats de sa recherche aux lecteurs ; cette présentation devrait quand même se dérouler de façon artistique, littéraire. On se mit tout à fait d’accord que l’écriture historique n’était pas une science rigide, reposant sur les lois à respecter bien précises ou bien étant capable d’en créer d’autres, telle la physique ou la chimie. Par conséquent, l’histoire ne fut pas du tout perçue comme science positive, et l’historien dut se satisfaire d’une conception empirique et inductive de sa tâche qu’il accomplissait dans le style de Roger Bacon, ce qui dégrada l’histoire au niveau d’une science pré-newtoniste.